Cet article mettra en exergue les différentes dimensions de la QVT que nous avons citées précédemment avec les modifications comportementales individuelles et organisationnelles qu’a amener l’ère Covid et, plus particulièrement, les phases de confinement jusqu’à 2021.
Qualité de vie au travail à l’ère du covid : une première partie avec le confinement
Dans notre précédent article, nous avons traité de la qualité de vie, ses origines et ses fondements afin d’aboutir à la qualité de vie au travail (QVT) avec ses principales dimensions. Nous avons donc détaillé comme éléments de la QVT, l’environnement physique et le système dans lequel l’individu se trouve ; l’équilibre personnel entre vie privée/professionnelle ; l’impact de nos relations intra-interpersonnelles et la valorisation des individus.
Depuis la pandémie, le monde du travail et notre vie ont été profondément bouleversés. La crise sanitaire du coronavirus a conduit à de nombreuses crises et changements avec, notamment, les phases de confinements. Ces modifications ont entraîné une remise en question dans nos habitudes, valeurs et actions. C’est pourquoi de nombreuses organisations se sont intéressé à la QVT tant pour ces vertus organisationnelles que personnel.
Nous aborderons en première partie la répercussion du confinement sur notre rapport aux travail et les nouvelles pratiques associées. Puis, nous attarderons notre réflexion sur l’impact de ce phénomène sur notre équilibre personnel, notre environnement de travail et nos relations intra-interpersonnelles. Enfin, nous pourrons établir le lien entre QVT et sens pendant le confinement afin de mieux comprendre comment les individus se sont adaptés à cette situation.
1. Covid et confinement, Un nouveau rapport au travail et de nouvelles pratiques
Au printemps 2020, chaque individu a vu plusieurs de ses libertés restreintes par les préconisations sanitaires et législatives mise en œuvre pour faire face au coronavirus. Le confinement a généré de nouveaux rapports quant à nos différentes sphères de vies (famille, travail). Cette situation à entraîner, par la suite, de nouvelles pratiques essayant d’aller dans le sens d’une meilleure QVT (Clot et Al, 2021 ; autres auteurs).
Notre rapport au travail et à la famille a profondément changé nos habitudes, routines et valeurs. Une étude d’Opinion Way (2020) a montré que le confinement a remis en cause nos valeurs liées au travail. En effet, 48% des interrogés ont vu leurs priorités changer, 34% sont intéressés par de nouveau centre d’intérêts et souhaite se réorienter vers des métiers manuels. Tandis que 14% des Bac+5 ont pris la décision de se reconvertir vers des métiers manuels dans les 2ans après leurs études. Certains s’orientent vers un choix entrepreneurial à la recherche d’une certaine liberté.
On constate que ces groupes sont particulièrement à la recherche d’une vocation et d’un sentiment d’utilité. À l’inverse, un autre groupe estime que le travail n’a pas à apporter ce sentiment de vocation ou d’utilité, c’est à l’individu de faire appels à ses ressources internes pour y parvenir. L’organisation apparaît comme un support favorisant un contexte propre à la recherche personnelle. C’est aux collaborateurs de s’occuper du meaning et le manager, quant à lui, est censé fournir un cap, un but, une direction. Nous entendrons ici la direction au sens selon Barbier ou Garreau, c’est-à-dire en termes de finalités.
Abordons maintenant la question des Bullshit Job
Nous avons montré qu’une réelle volonté de recherche d’un intérêt et d’une vocation est notable pour beaucoup d’individus. Abordons maintenant la question des Bullshit Job. Comme de nombreux diplômés qui s’y retrouvent, ces derniers ne sont pas forcément en quête d’une vocation, mais vivent plutôt leur travail comme acceptable ou y présente un engagement par la rétribution salariale qu’ils perçoivent. Dans la plupart des cas, le salaire conduit à l’acceptation de l’emploi. Même si parfois certains projets vertueux apparaissent, dans l’ensemble, ils sont conscients que leur travail n’a aucun intérêt.
On peut se dire comblé par un bullshit jobs, tout en se trompant soi-même
Comme le présente la thèse du Dr en neuroscience Sébastien Brotiler, on peut se dire comblé par un bullshit jobs, tout en se trompant soi-même, notre cerveau peut nous faire aimer notre boulot. La revue souligne, notamment, le fait que si un équilibre est présent avec notre vie personnelle, l’individu n’y percevra pas de frustration. Le travail n’apparaît pas forcément associé à l’épanouissement d’un individu si un bon équilibre de vie est présent. Nous constatons que salaire et statut sont donc deux éléments centraux de l’engagement.
De nombreuses organisations ont donc pris le parti d’incorporer de nouvelles pratiques et valeurs au travail. Par exemple, la semaine de quatre jours avec des avantages supplémentaires comme des congés maternité et paternité plus importantes. Ou encore la mise en place d’une conciergerie médicale pour des questions de santé et bien-être au travail, allant d’un médecin du travail à des ostéopathes ou kinésithérapeutes. De nombreuses entreprises proposent aussi des formations pour développer les compétences de ces salariés et leur sentiment d’utilité.
Mais la grande pratique de ce confinement, c’est surtout le télétravail
Bien entendu, tous les corps de métier ne peuvent pas se permettre d’être en télétravail, car certaines activités nécessitent obligatoirement d’être sur le lieu de travail comme les restaurateurs ou les bars. Pour ceux dont la fonction s’y adapte, cette pratique engendre de fait une nouvelle relation au temps et à notre espace de travail. Si certaines tensions s’opèrent au sein de l’organisation, le télétravail rendra l’entreprise plus adaptative sur le long terme et permettra d’assouplir les conflits et règles hiérarchiques. Cette solution comprend aussi une diminution des trajets entre le travail et chez nous. Ce qui correspondrait à du temps supplémentaire pour nous-même ou à passer avec nos différents cercles sociaux (famille et amis). Ce comportement est rationnellement plus écologique et responsable avec la situation actuelle.
Les organisations ayant déjà mis en place certaines de ces pratiques attestent en général d’une hausse de 40% de la productivité et du bien-être de ses salariés. Les managers ont adopté un management non plus directif, mais plutôt bienveillant en pariant sur le télétravail et l’amélioration du quotidien de ses salariés. Ils livrent dans la revue Management (2020) sept méthodes majeures : Être présent pour ces équipes au sens d’en prendre soin ; Améliorer les compétences de son équipe et le sentiment d’accomplissement individuel ; Un réel intérêt pour ses collaborateurs ; La communication ; La culture du travail ; Libérer la parole de ses équipes ; Créer un lien durable ; Favoriser l’autonomie ; La formation.
2. Qualité de vie au travail et Covid, à la recherche d’un équilibre personnel avec un questionnement sur nos relations intra-interpersonnelles
Le but recherché dans chacune de ces pratiques est donc d’améliorer la qualité de vie et qualité de vie au travail des individus. Pour rappel, la démarche QVT comprend à la fois une prévention des risques psychosociaux tout en promouvant la santé, le bien-être et l’engagement du personnel. Les pratiques que nous avons abordées précédemment contribuent à renforcer les éléments de la QVT comme le fait d’avoir un meilleur équilibre vie privée/professionnelle ou de meilleures relations intra-interpersonnelles.
Pendant le confinement, notre rapport au travail a donc changé. Cette situation a entraîné des modifications dans les habitudes au sein des familles. Pour certain, cela a pu être une source d’épanouissement, mais pour d’autres une surcharge et du mal-être.
En effet, dans ses recherches Frankl admet que la cohérence qui s’effectue entre soi et le travail renvoie :
- Nos relations interpersonnelles en répondant à un sentiment d’utilité dans nos actions
- Notre disposition intérieure par l’introspection et un recul sur notre relation intrapersonnelle
- Notre créativité qui va contribuer à la construction du sens subjectif crée par la personne.
Les managers qui apportent du soutien, de la reconnaissance et qui valorisent leurs équipes contribuent à favoriser la satisfaction qu’ils auront de leur travail
La recherche d’un équilibre personnel entre notre vie privée/professionnelle a donc été nécessaire. Cet équilibre provient d’une réflexion sur notre relation travail/repos et vie sociale. On remarque que les managers qui apportent du soutien, de la reconnaissance et qui valorisent leurs équipes contribuent à favoriser la satisfaction qu’ils auront de leur travail.
Le soutien du supérieur hiérarchique est la variable organisationnelle qui peut favoriser l’équilibre personnel autant qu’être une source de déséquilibre chez l’individu (Benion, 2010). Interprété comme une forme de soutien social, le soutien du supérieur hiérarchique comporte deux aspects. Premièrement, une dimension émotionnelle renvoyant à des facteurs comme l’écoute, la sympathie, l’intérêt porté envers une personne et sa reconnaissance. Deuxièmement, une dimension instrumentale par l’assistance, l’aide ou les conseils que le supérieur peut apporter pour que les individus puissent accomplir leurs missions.
Le soutien du supérieur hiérarchique est perçu comme source de réussite professionnelle chez les individus. Si ce soutien est positif, il réduit le stress au travail et augmente le bien-être organisationnel (House, 1981). Enfin, le soutien du supérieur aurait une influence sur l’équilibre personnel en réduisant les conflits travail/famille et en ayant un effet modérateur sur le locus de contrôle interne et le sentiment d’efficacité personnel (Roger et Othmane, 2011).
3. Qualité de vie au travail et Covid, entre valeurs, sens et accomplissement de soi pour répondre à un sentiment d’utilité et un besoin d’autonomie.
En cette période d’épidémie de Covid, nous vivons une situation inhabituelle dans laquelle les organisations doivent obligatoirement s’adapter à ce nouveau contexte. Économiquement parlant pour leur survie financière et celle de leurs collaborateurs, mais aussi socialement sur le bien-être de ses salariés. Dans un cadre organisationnel, le travail donne du sens à notre existence. L’entreprise, quant à elle, est censée conduire ses salariés vers une réflexion sur leurs valeurs et celle de l’organisation. Ce qui induit de fait une remise en question sur le fondement de nos valeurs au travail.
La revue Management (2020) explique qu’actuellement la quête de sens, le bien-être individuel et la liberté sont au sommet de la pyramide des valeurs chez de nombreux individus. Ces valeurs, portées vers l’être, consisteraient à être en phase avec notre relation intra-interpersonnelle, notre liberté au sens de l’autonomie et un bon équilibre vie privée/personnelle.
Ces réflexions sur nos valeurs et celle de l’entreprise apparaîtrait donc comme prédominante dans la recherche de sens. L’Institut de technologie d’Harvard a montré l’émergence d’une corrélation entre le bien-être au travail et la performance. Il en ressort qu’un salarié heureux sera en moyenne 31% plus productif, deux fois moins malade et 55% plus créatif. Bref, ce n’est pas le bonheur qui donne du sens, mais l’inverse.
La relation entre travail, sens et bonheur s’exprime par notre capacité à insuffler du sens dans notre vie
Selon Floria Bernard (2020), la relation entre travail, sens et bonheur s’exprime par notre capacité à insuffler du sens dans notre vie et ainsi, contribuerait à trouver du bonheur. En effet, l’intérêt que nous accordons à notre travail étant une valeur subjective, il y est plus question d’une quête individuelle. L’organisation se doit d’offrir un contexte propre au développement de la relation intrapersonnelle de ses salariés, mais aussi interpersonnelle (Nagard, 2020). Un meilleur recul sur leur situation développerait ainsi une meilleure compréhension de leurs émotions et contribuerait à agir sur leur intentionnalité. Ce procédé accentuerait donc le sens et les finalités que nous créons en vue d’un accomplissement de soi. Pour en savoir plus sur les dimensions du sens (article 3-6-7-8).
« Le travail est aussi la principale arène où on montre ses capacités, on apporte son utilité et on participe à la construction de nouvelles réalités. » (Dominique Méda, 2018)
D’autres auteurs comme Yves Clot (2020, 2021) parle du fameux sentiment du « Travail bien fait », se ressentit procurer par un salarié qui a le sentiment de bien avoir été utile et que ce qu’il fait, fait sens pour lui. Cet affect constituerait selon lui en une reconquête de la question du sens en améliorant notre estime de soi. Cependant, il sera nécessaire à l’organisation d’avoir une confiance en ses salariés et de les conduire à adopter une vision systémique de la perception globale du travail dans l’entreprise. Cette démarche est présentée comme un facteur d’autonomie et de performance.
Le manque d’autonomie aujourd’hui en entreprise est considéré comme une des principales causes de souffrances existentielle au travail
La revue Management (2020) affirme que le manque d’autonomie aujourd’hui en entreprise est considéré comme une des principales causes de souffrances existentielle au travail. La capacité d’autonomie résulte à la fois de notre relation intrapersonnelle et de notre accord envers les règles et valeurs que nous souhaitons. L’autonomie suppose une forte connaissance de soi, de nos règles de conduite et de notre capacité à agir avec réflexion en toute liberté de choix.
Enfin, selon Biard et Al (2020), la propagation du coronavirus a donc suscité de nombreuses réflexions afin de reconsidérer la place et le sens du travail dans le « monde d’après ». Ce monde d’après sera, notamment, aborder dans le prochain article. Ces questionnement, liés au sens, sont important et d’actualités, car elle renforce les individus à opérer des changements nécessaires sur des plans organisationnel, social, et même écologique.
Conclusion : qualité de vie au travail et COVID
On constate que la covid et le confinement nous a renvoyé à repenser notre rapport au travail. Source d’épanouissement pour les uns et souffrance pour les autres, des pratiques nouvelles comme le télétravail ont émergé et ont été adopté par l’ensemble des salariés français qui le pouvait. Les nombreux débats issus de la qualité de vie et du confinement portent sur la nécessité d’être en accord avec ces relations intra-interpersonnelles, d’équilibrer vie professionnelle/familiale et d’accorder de l’autonomie à ces équipes pour que les individus arrivent à trouver du sens et qu’ils s’accomplissent dans leur vie et dans leur travail.
Dans le prochain article, nous mettrons en avant la situation non plus du confinement, mais plutôt de la QVT dans le monde post-covid que nous vivons actuellement en 2021.
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Bibliographie
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