Le coaching HPI : pistes contextuelles d’accompagnement (partie 1/2)

Le coaching HPI : pistes contextuelles d’accompagnement (partie 1/2)

Aujourd'hui, de plus en plus d'ouvrages traitent du HPI sous différentes dénominations. L’effet de mode aidant, les recherches se bousculent… et les chercheurs aussi. Devant la quantité de modèles qui tantôt se complètent, tantôt se contredisent, que penser ? Comment accompagner les HPI sans leur rajouter un problème de port d'étiquette, ni les enfermer dans une nouvelle caricature ? Réponse dans cet article en deux temps.

Disclaimer sur le coaching HPI : Il existe de nombreuses dénominations pour décrire les phénomènes que nous abordons dans cet article. HPI, Surdoués, Enfants Précoces ou Intellectuellement Précoces (EIP), Émotifs Talentueux, Haut Potentiel Émotionnel (HPE), Hypersensibles. On retrouve également de nombreuses métaphores animalières : Zèbres ou Caméléons par exemple. Il ne s’agit pas dans cet article de faire une généralité sur les individus HPI. Chaque individu est unique par son fonctionnement, sa personnalité et son vécu. N’hésitez pas à rajouter des conditionnels là où ils vous manqueraient, et à porter sur la suite votre plus beau regard critique.

Biais d’échantillonnage

En 2008, sort le livre « Trop intelligent pour être heureux » de Jeanne Siaud-Facchin. Le désert de littérature sur la douance en France à l’époque lui permet alors de prendre le devant de la scène publique. D’autres s’engouffrent ensuite dans la brèche.

Ces livres deviennent vite des références publiques dans le domaine de la douance. Ils le restent encore aujourd’hui en 2022. Cependant, malgré les éclairages qu’ils apportent sur certains aspects de la douance, ils véhiculent également de nombreuses croyances erronées. Probablement malgré eux.

En cause : le biais d’échantillonnage. Ces ouvrages ont pour bon nombre d’entre eux été rédigés sur la base d’études cliniques. Donc sur la base de personnes qui ont demandé de l’aide à un instant de leur vie. Ils ne traitent pas de la population des HPI en France, mais plutôt des problématiques rencontrées par un échantillon de la population des HPI. Ainsi, ces livres ne traitent que très peu des 90 % de HPI qui « vont bien ».

Deux problèmes sont engendrés par ce biais d’échantillonnage :

  • La population qui cherche à comprendre la douance mais ne se retrouve pas dans ces problématiques passe son chemin. Elle passe aussi potentiellement à côté d’un indicateur qui lui permettrait de mieux se comprendre.
  • La population qui se reconnait dans les problématiques sans être concernée par le HPI passe à côté d’un accompagnement qui lui permettrait d’aller mieux.

Ainsi, la littérature « grand public » véhicule un raccourci malheureux entre les problématiques et le fonctionnement HPI. En faisant cela, elle contribue à créer un mythe qui aujourd’hui continue à se propager sous diverses formes. Par exemple des vidéos youtube, des émissions télé, des articles de soft psychologie, etc.

Sur-attribution et effet Barnum

Au-delà des problèmes d’identification des personnes, deux effets plus pernicieux sont apparus par le biais de ces livres. La sur-attribution et l’effet Barnum. Ils ont un impact direct sur un éventuel coaching HPI.

La sur-attribution consiste à justifier ses problèmes en les affectant à son étiquette :

  • « Mes débordements émotionnels ? C’est normal, je suis HPI. »
  • « Mon décalage permanent ? C’est à cause de mon HPI. »
  • « Je ne suis pas heureux ? C’est normal, j’ai lu que j’étais trop intelligent pour l’être. »
  • etc…

Finalement, la personne devient victime de son étiquette et oublie qu’elle a la possibilité d’agir pour changer la donne. La sur-attribution, c’est pour moi une forme de condamnation au malheur.

L’effet Barnum, c’est le double effet kiss-cool. Il s’agit d’un biais cognitif induisant toute personne à accepter une vague description de la personnalité comme s’appliquant spécifiquement à elle-même. Un peu comme lorsqu’on lit l’horoscope le matin pour savoir si l’on va passer une bonne journée, puis que l’on agit ensuite de manière à lui donner raison. À titre d’exemple, j’ai accompagné des personnes qui m’ont expliqué avoir changé leur comportement et leur attitude après ces lectures, et ce pour bien coller à l’étiquette zèbre ou HPI. On tend à devenir qui l’on pense être. Ces livres, qui ont un statut de référence en la matière, peuvent imprimer chez les personnes – surtout lors de phases de transition comme lors de ces phases de recherche identitaire – de nouvelles croyances par rapport à qui elles sont.

En tant que coach, ou professionnel de l’accompagnement, il est primordial de voir le caractère enfermant, parfois victimisant, de ces deux biais afin de les contourner, et donner des leviers d’action à ses clients, notamment en le repositionnant dans un état responsabilisé.

HPI et coaching HPI

Cet article n’a pas pour vocation à être à charge contre la littérature grand public. En effet, elle a le mérite de rassembler, de fournir une porte d’entrée accessible aux personnes en recherche de compréhension. Elle permet aussi d’amener des premiers éléments de sensibilisation sur le sujet.

Aujourd’hui, il existe plusieurs modèles de la douance, qui appartiennent à l’une des perspectives suivantes :

  • Essentialiste : approche binaire et partielle selon laquelle on est HPI par son QI.
  • Développementaliste : le potentiel se réalise par développement du talent, et s’exprime par des réalisations tangibles.
  • Contextualiste : à la croisée des mondes entre prédispositions de l’individu, effort, chance, opportunités, contexte, domaine d’expressions et environnement.

Chaque modèle présente des avantages mais aussi des limites. Aujourd’hui, il n’y en a pas un qui se démarque et qui fasse parfaitement consensus. Pour autant, la plupart s’accordent aujourd’hui sur un ensemble de traits caractéristiques :

  • Des performances cognitives élevées.
  • Une grande rapidité de traitement.
  • Une grande créativité, grâce à une pensée complexe à la fois divergente et convergente.
  • La variation de la concentration selon l’intérêt pour la tâche en cours.
  • Un besoin d’auto-exploration et de métacognition.
  • La recherche perpétuelle de stimulation, de compréhension et d’apprentissage.
  • Un raisonnement critique.

Ainsi, pour prendre une métaphore liée à l’informatique : le HPI nous informe sur la puissance du processeur, le fonctionnement en multi-thread, la capacité de la mémoire, la puissance des capteurs Bluetooth et Wifi. Mais il n’a pas de prise sur la nature des programmes qui ont été installés depuis que la machine est sortie d’usine.

Le HPI n’est pas le problème

Il est crucial de dissocier la personnalité du fonctionnement cognitif du HPI. Le HPI désigne une intensité, une puissance, un rythme. L’individu HPI n’est pas plus soumis aux troubles psychiques que le reste de la population.

Ceci étant dit, les problématiques pour lesquelles les HPI cherchent généralement de l’aide sont relativement récurrentes : débordements émotionnels, recherche de sens dans le travail ou dans la vie, incompréhension des relations avec les autres, problèmes de communication, ennui, impression d’être désorganisées, relations toxiques, phénomène d’imposture, dépression existentielle, désorientation, frein psychologique dans l’atteinte d’un objectif… et sont largement abordées dans la littérature grand public.

Ces problématiques ne sont pas liées à un fonctionnement, mais plutôt à un désalignement entre la personne et l’environnement dans lesquels elle a évolué et/ou continue de s’inscrire.

Décalage / Faux-self / Sur-adaptation / inadaptation

Le neuro-atypisme est, comme son nom l’indique, un fonctionnement cognitif atypique (i.e. qui présente une absence de conformisme par rapport à un modèle que l’on prend pour norme). Ainsi, lorsqu’un individu fait partie d’un sous-ensemble de 2.3% de la population, et qu’il se construit par identification aux autres qui ne fonctionnent pas comme lui, il peut arriver qu’il se sente en décalage.

Il peut en résulter plusieurs effets :

  • Un sentiment de désalignement, qui se manifestera au quotidien par un inconfort, de l’impatience, une mise à l’écart du groupe, et un sentiment de solitude ;
  • Une sur-adaptation, et le développement du faux-self (ou masque social) pour afficher à l’environnement la personne qui correspond aux attentes perçues, refoulant peu à peu le vrai self et amenant potentiellement un : « je ne sais plus qui je suis » ;
  • Une inadaptation sociale : « Si les autres ne fonctionnent pas comme moi, je vais les rejeter », amenant également à renforcer le sentiment de décalage et la mise à l’écart.

Le choix de l’étiquette

Plusieurs clients m’ont dit « Je suis zèbre, mais c’est sûr, je ne suis pas HPI : je ne suis pas assez intelligent. ». Si les deux termes désignent la même notion, cette phrase nous donne plusieurs informations par rapport à la manière dont la personne a dessiné la carte de son territoire ;

  • Une croyance sur le fait qu’elle ne soit pas suffisamment intelligente ;
  • Une absence probable de détection de la douance par un bilan neuropsychologique ;
  • Une reconnaissance dans l’étiquette de Zèbre* en lien avec probablement la « gestion » de ses émotions et un sentiment de décalage.

Ainsi, quand un HPI consulte en nous parlant de son étiquette, il expose déjà une partie de sa problématique de manière implicite. Dans un coaching HPI il conviendra donc bien souvent de lui faire expliciter pour éviter de répondre à des questions qu’il n’aurait pas posées.

Coaching HPI : conclusion partielle

Le contexte est maintenant posé pour parler de la pratique. RDV la semaine prochaine avec au programme :

  • L’accompagnement des HPI
  • La posture du coach pour un coaching HPI
  • Quelques tuyaux pratiques tirés de l’expérience

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Commentaires
avatar de Claudin

En 2016, je soutenais mon mémoire sur « Le zèbre » chez Linkup Coaching avec Camille L.

Merci Loic

Claudin

23 mars 2022

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