Je travaille dur donc je suis une bonne personne : vive les 32h

Je travaille dur donc je suis une bonne personne : vive les 32h

Les 32h, la réduction du temps de travail, la semaine de quatre jour : c'est le futur du travail. On en parle dans cet article !

Dans cet article, on va parler des 32h, de la réduction du temps de travail, et de la semaine de 4 jours. Dans l’article de la semaine dernière, nous avons fait un petit tour d’horizon sur différentes pensées concernant le travail.

Cette semaine, je vous propose un article sur la perception de l’effort fourni au travail et le temps de travail. En France, c’est un débat qui fait du bruit, notamment à cause de la réforme des retraites. Je souhaite toutefois aborder le sujet, car il fait controverse, et parce que dans nos pays voisins, il y a un (bon) début de réflexion sur le temps de travail. En particulier avec le souhait de mettre en place la semaine des quatre jours.

Le projet de la semaine de quatre jours / 32h

La semaine des quatre jours est un projet test. Des études sur les bienfaits de la semaine des quatre jours ont été lancées au Royaume-Unis, en Belgique et en Espagne. Le but de cette transformation organisationnelle est d’améliorer les conditions de vie des travailleurs. Ce projet est assez ambitieux dans la mesure où si cela fonctionne, les employés·ées pourraient se voir attribuer davantage de temps libre pour s’adonner à des activités autres que le travail. Ce serait ainsi profitable à leur épanouissement personnel en plus d’avoir un impact positif dans leur travail. En effet, la semaine des quatre jours aurait entraîné une amélioration de la santé physique et mentale des employés·ées avec une diminution du taux de stress et de l’épuisement professionnel. Si vous souhaitez en apprendre plus, le lien de l’étude sera cité dans la bibliographie.

La valeur morale de l’effort : un frein aux 32h ?

Outre le sujet de la semaine des quatre jours, je souhaite aborder le sujet de la valeur morale de l’effort. Il s’agit d’un concept faisant référence à la reconnaissance et à l’appréciation de l’effort personnel investi dans une tâche par une personne. Ce principe est mis en évidence dans l’étude de Celniker et collaborateur (2023).

D’après ces chercheurs, une personne qui travaille durement sera jugée plus fiable. Voici un exemple pour illustrer le propos : imaginons deux ouvriers, A et B, réalisant la même tâche. L’ouvrier A arrive à accomplir son produit facilement alors que l’ouvrier B rencontre des difficultés. Par conséquent, l’ouvrier B doit mettre plus de cœur à l’ouvrage pour arriver au même résultat que l’ouvrier A. L’ouvrier B sera donc considéré comme une personne plus morale/ fiable que l’ouvrier A. Il existerait donc un lien intuitif entre l’effort fourni et la fiabilité d’une personne.

Une personne qui travaille dur est une bonne personne ?

Une personne qui travaille dur est une bonne personne. Les recherches du sociologue Max Weber ont également mis en évidence le lien direct entre l’effort et les évaluations morales interpersonnelles dans les croyances de l’éthique du travail protestant. C’est un phénomène que l’on retrouve dans la plupart des régions du monde. Comme aux USA, en Corée du Sud, et même dans des tribus isolées telles que les Hadza en Afrique de l’Est (Celniker et al., 2023).

Les chercheurs ajoutent, que si on devait faire un choix de partenaire entre l’ouvrier A et l’ouvrier B, on choisirait l’ouvrier B. Ils expliquent cela par le fait que nous sommes tous à la recherche du partenaire idéal. Ils appellent cela le choix du partenaire. Le partenaire idéal serait travailleur, fiable, généreux et aurait du self-control. On ne s’attarde par sur les personnes qui ne donneraient pas l’impression de travailler rigoureusement. Puis, au-delà du choix du partenaire, nous aussi, on cherche à être le partenaire que tout le monde voudrait à ses côtés.

Le postulat de la valeur de l’effort implique donc de considérer l’effort lui-même comme étant intrinsèquement précieux et méritant d’être valorisé, indépendamment du résultat final. Somme toute, on valorise la capacité à travailler durement, en revanche, on néglige la capacité à travailler efficacement.

Travailler durement ou brasser de l’air

En valorisant ce type de comportement, les personnes passent plus de temps à s’inquiéter de la manière dont ils sont perçus par leurs collaborateurs, plutôt qu’à montrer les résultats effectifs de leurs activités. Le schéma cognitif qui associe le travail acharné à la moralité/fiabilité d’une personne serait un biais cognitif (Celniker et al., 2023).

Le chercheur Azim Shariff explique que l’effet de la moralisation de l’effort serait une faille dans le système. Elle serait renforcée par notre culture du travail. Il parle également du workism. Un terme qu’il a emprunté au journaliste Derek Thompson. Le travail serait non seulement un moyen de gagner sa vie. Mais il serait aussi une manière de s’accomplir et de s’épanouir en tant que personne. De plus, lorsqu’un manque d’investissement venant d’un·une collègue est remarqué, celui-ci ou celle-ci sera négativement perçu·e par son entourage. Il ajoute aussi que la quête du bon partenaire entraînerait de la concurrence au sein du milieu de travail. Chacun voulant être bien vu. La concurrence saine est profitable pour une entreprise. Mais à outrance, elle peut devenir toxique pour les employés·ées.

Les résultats de l’étude

L’étude évoque, par ailleurs, que les personnes qui s’acharnent, notamment sur des tâches dénuées de sens, peuvent ressentir une perte de sens. Ces individus ·peuvent se questionner sur l’intérêt de fournir autant d’effort pour des tâches non significatives. La croyance que la personne qui travaille beaucoup est une bonne personne est un biais cognitif pouvant avoir un impact négatif sur l’activité des travailleurs.

On peut ajouter aux arguments du chercheur que le temps de travail obligatoire peut jouer un rôle dans cette course à l’acharnement. Nous consacrons un nombre d’heures précis par semaine à notre travail, c’est contractuel. Même si nous arrivons à effectuer nos tâches en moins de temps que prévu. Mais il y a aussi cette obligation tacite de devoir rester sur son lieu de travail sous peine d’être jugé négativement. L’exemple des Open Space est particulièrement révélateur. Malgré le fait qu’elle ait fini plus tôt et qu’elle ait le droit de s’en aller, il n’est pas anodin d’entendre une personne dire qu’elle ne part pas avant une certaine heure par peur d’être considérée défavorablement.

Conclusion sur la semaine de 4 jours / 32h

Pour en revenir à la semaine des quatre jours, le fait de chercher à diminuer le temps de travail est un projet intéressant pour l’amélioration des conditions de travail des personnes. Toutefois, on peut se demander si en réduisant le temps de travail, on ne remet pas en cause la valeur que l’on accorde au travail, et à la manière dont nous serons perçus par la société.

Bibliographie

Celniker, J. B., Gregory, A., Koo, H. J., Piff, P. K., Ditto, P. H., & Shariff, A. F. (2023). The moralization of effort. Journal of Experimental Psychology: General, 152(1), 60‑79. https://doi.org/10.1037/xge0001259.supp

Shariff, A. (s. d.). Azim Shariff : Travailler dur fait-il vraiment de vous une bonne personne ? | TED Talk. Consulté 9 juin 2023, à l’adresse https://www.ted.com/talks/azim_shariff_does_working_hard_really_make_you_a_good_person/c?language=fr

Schor, J., Fan, W., Kelly, O., & Gu, G. (2023). Quantitative research team. Consulté le 1 mars 2023 à l’adresse https://www.4dayweek.co.uk/pilot-programme.

Comment bien réduire le temps de travail (32h)

On en a parlé en live pendant 1h avec un premier extrait de notre livre blanc.

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