Cycle menstruel, santé des femmes et bien-être au travail

Cycle menstruel : le congé menstruel est vécu par la moitié de la population et est pourtant un sujet invisibilité. On en parle ici.

Comme le cycle menstruel, le congé menstruel est vécu par la moitié de la population. Pourtant, c’est un sujet invisibilisé.

Des députés souhaitent « déviriliser le monde du travail et faire en sorte que le corps de la femme soit reconnu » en proposant un arrêt maladie pour les menstruations incapacitantes. En Espagne, le congé menstruel est accepté. En France, certaines entreprises (e.g. Goodays, Louis Design, La Maison de la Culture de Grenoble) ont décidé de mettre en place le congé menstruel. Certaines communes prennent aussi cette initiative. Parmi elles, on peut trouver la commune de Seyssinet-Pariset ou de Saint-Ouen-Sur-Seine.

De l’espoir dans l’innovation

La mise en place du congé menstruel serait une innovation organisationnelle. Le fait d’accorder ce droit permettrait la reconnaissance de la femme comme étant un individu avec un fonctionnement qui lui est propre. C’est reconnaitre que la femme a autant sa place dans le monde du travail que l’homme. C’est aussi reconnaître que la femme n’a plus à s’adapter à la sphère professionnelle et c’est au monde professionnel de s’adapter à elle. Enfin, c’est un message d’espoir.

Un peu de chiffres sur le cycle menstruel

D’après l’IFOP, une femme sur dix déclare souffrir de dysménorrhée. 20 % des femmes déclarent subir des règles très douloureuses. 44 % des femmes rapportent avoir déjà raté le travail à cause de la douleur de leurs règles. « 65 % des femmes salariées ont déjà été confrontées à des difficultés liées à leurs règles au travail, quand 35 % d’entre elles déclarent que leurs douleurs menstruelles impactent négativement leur travail » (Conway-Mouret & al., 2023). Malgré tout cela, il n’existe aucun cadre légal en France qui permet aux femmes de prendre des congés en cas de besoin. À l’heure où la qualité de vie et les conditions de travail sont au cœur de la refonte des organisations, il s’agit d’un manquement envers une partie de la population française.

Qu’en est-il du sens au travail pour les femmes ?

Le travail permet à un individu d’être reconnu pour ce qu’il fait, et d’attester de son existence (Morin & Forest, 2007). C’est une manière de s’accomplir et de construire sa propre identité en tant qu’individu. Le fait que les règles soient un sujet tabou en entreprise, donne le sentiment de mettre de côté la femme et ses besoins. Elles sont rendues invisibles. 68 % des femmes estiment que les règles sont taboues dans les entreprises, d’après l’IFOP. Or, une personne arrive à donner du sens à son travail à partir des relations qu’elle entretient avec son environnement de travail, incluant ses collaborateurs et ses supérieurs. De ce fait, continuer à entretenir ce tabou et en ne mettant en place aucune solution à ce problème peut nuire à la qualité de vie au travail des femmes.

Cependant, la mise en place du congé menstruel crée le débat. Même si une majeure partie des femmes souhaiteraient sa mise en place, d’autre craignent les retombées. Premièrement, cela peut porter atteint à leur intimité : si elles ne prennent pas de congé, cela peut donner des informations sur leur contraception par exemple. D’autres ont peur de la discrimination et du plafond de verre. Le fait d’accorder ce droit aux femmes peut représenter une autre contrainte pour l’employeur, au même titre que des femmes peuvent se voir refuser un poste si elles ont la volonté d’avoir des enfants. Il y a une réelle peur de perdre des droits difficilement obtenus. Mais ces craintes témoignent d’un sentiment de non-acceptation dans la sphère professionnelle (Bœuf, 2020) et d’un climat discriminatoire encore présent.

Innovation managériale et reconnaissance du cycle menstruel

Le documentaire Period. End of the Sentence, réalisée par Rayka Zehtabchi (2018), met en scène des femmes indiennes qui prennent le contrôle de leur vie en voulant mettre fin au tabou autour des menstruations. Elles ont été embauchées pour créer des serviettes hygiéniques et les vendre. En mettant fin à ce tabou, cela a permis à ces femmes de trouver une place au sein de la société, de prendre le contrôle de leur vie et de se réapproprier leur corps. Ce court-métrage, primé aux Oscar, dénonce le frein, que peuvent représenter les stigmates et la représentation des menstruations pour les femmes.

Où est-ce que je veux en venir ? En mettant en place des dispositifs adapter aux femmes, ce serait une manière de leur laisser une place : c’est comme si on leur disait « on vous voit et on vous comprend », cela diminuerait leur charge mentale. Le travail de recherche d’Aline Bœuf a démontré que les femmes passent plus de temps à cacher leurs règles aux yeux du monde plutôt qu’à prendre soin d’elles.

J’entends également que certains hommes peuvent aussi être réfractaires face à cette initiative. Toutefois, ne serait-ce pas une manière de compenser les contraintes qu’apportent les menstruations telles que l’achat de produits hygiéniques, les rendez-vous chez le médecin et l’achat de médicament. D’après l’INSEE, une femme dépenserait en moyenne 5 763, 56 euros pour ses règles, tout au long de sa vie. Finalement, ce projet serait peut-être une manière de rééquilibrer la balance.

Bibliographie sur le cycle menstruel

Bœuf, A. (2020). VIVRE SON CYCLE MENSTRUEL DANS LE MONDE PROFESSIONNEL : EXPÉRIENCES MULTIPLES ET PRÉOCCUPATIONS COMMUNES.

Period. End of the Sentence, 2018, réalisé par Rayka Zehtabchi.

Santé et bien-être des femmes au travail (exposé des motifs). (s. d.). Sénat. Consulté 1 décembre 2023, à l’adresse https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl22-537-expose.html

28 jours, 2018, écrit et réalisé par Angèle Marrey