Coaching et logique de changement :  Approche systémique et types de changements (2/5)

Coaching et logique de changement : Approche systémique et types de changements (2/5)

Nous entamerons ce second article sur les différents accompagnements en coaching et de leurs particularités à produire un développement chez l’individu. Plus particulièrement, nous nous attarderons sur la capacité du coaching à inscrire l’individu dans des dynamiques de changements multiples et variées.

Le coaching est considéré comme « une forme d’accompagnement […] dont la finalité est la transformation de l’homme » (Rappin, 2013). Cette vision du changement est souvent axée sur une logique comparative de transformation (avant/après) avec une mesure objective des changements apportés. Nous pouvons, alors, nous questionner sur comment s’opèrent les changements dans la conceptualisation d’une mission de coaching réussit ? Mais aussi, comment s’articule la notion de ces changements et quels en sont les différentes dynamiques ?

Bouillon & Paraschiv (2020) ont souligné dans leur étude l’importance de la dimension systémique dans l’intervention du coach sur un manager et sur une équipe. Nous aborderons, donc, en premier lieu l’approche systémique avec sa représentation des interactions au sein d’un système et des changements qui s’y opèrent. Nous pourrons, ainsi, mieux appréhender et comprendre les accompagnements de coaching individuel et collectif dans une logique de changement. Enfin, nous aboutirons notre réflexion sur les différentes dynamiques de changement et leurs spécificités dans une mission de coaching réussit.

1. Coaching et Approche Systémique

L’approche systémique émerge en 1950 grâce à l’influence de la théorie générale des systèmes et la cybernétique. Le premier courant affirme que toutes les interactions d’un groupe sont plus importantes que la somme des interactions de chacune des parties indépendantes. Le second courant s’attarde sur la standardisation et l’apprentissage des mécanismes d’information dans des systèmes complexes. L’approche systémique ou analyse systémique est, donc, un champ interdisciplinaire relatif à l’étude d’objets dans leur complexité. Elle permet d’appréhender l’environnement, le fonctionnement et les mécanismes d’un système par les communications et interactions qui s’y effectuent.
(Amar & Angel, 2017).
L’école de Palo Alto avec des représentants comme Gregory Bateson ont développé cette approche à partir d’une théorie de la communication. C’est ainsi que le mouvement des thérapies familiales et des thérapies brèves apparaissent. La famille et l’entreprise sont devenues des objets d’études dans lesquelles un système de valeurs et de représentation du monde se crée et se transmet. Selon une perspective systémique, les interactions pathogènes feront apparaître des symptômes chez un des membres du système. Certains partisans de l’analyse systémique ont, notamment, souligné plusieurs aspects relationnels du système familial qui s’est avéré observable aussi en entreprise comme : des phénomènes d’alliance, de coalition ou de pouvoir ; transmissions ou répétitions pathologiques des schémas sociaux ; ; projection de fantasmes parentaux sur les enfants, etc (Iván Böszörményi-Nagy, Murray Bowen, Salvador Minuchin, Helm Stierlin, Jay Haley) (Amar & Angel, 2017).

Les observations de l’approche systémique contribuent à étoffer les situations de coaching. En effet, l’individu isolé n’est plus, seulement, au centre des débats, car celui-ci va être intégré au contexte relationnel dans lequel il interagit. Ainsi, le coach peut contextualiser l’individu dans une vision plus globale lui permettant de percevoir et d’appréhender les tenants et aboutissants de sa situation. Les praticiens de cette approche ont, toutefois, ajoutés une distinction concernant les logiques de changement dans lequel l’individu va se trouver. L’école de Palo Alto nomme changement de type 1, les changements qui s’effectue à l’intérieur d’un système, mais qui n’en modifie pas la structure (ajustements de fonctionnement dans un couple, dans une équipe au travail). Et changement de type 2, les changements où le système, lui-même, se modifie (une séparation du couple, un départ d’une entreprise). Ces types de changements seront dépendants de la problématique initiale du client. Les changements de type 2 seront toujours plus « coûteux » et long que les changements de type 1, car l’individu devra lutter contre l’homéostasie du système et des règles qui la défendent. Cependant, cette logique de type 2 sera primordiale lorsque l’individu n’arrive pas à générer des réponses et se retrouvent dans une logique qui l’emprisonne (Amar & Angel, 2017).

L’approche systémique, fondamentalement constructiviste, s’attarde sur l’individu comme acteur et constructeur de sa réalité et, donc, de ses actions. En ce sens, l’approche que nous avons de la réalité peut nous conduire dans une perspective de développement afin d’optimiser notre potentiel face aux contraintes et opportunités de notre environnement. Le travail d’écoute et de questionnement d’un coach seront les éléments à mobiliser pour visualiser la propre perception de la réalité de son client. Le coach pourra, ainsi, réaliser un recadrage, ou non, du coaché selon la situation. Le recadrage consiste à exposer un point de vue différent de la situation, mais tout aussi compatibles. Cette étape permet de dégager de nouvelles perspectives résolutoires chez l’individu en suscitant différemment son expérience conceptuelle ou émotionnelle (Amar & Angel, 2017).

La compréhension de l’approche systémique apporte de nombreux indicateurs riche de sens dans un environnement complexe comme : sa finalité, ses différents niveaux, états et interactions entre les parties (équilibre/déséquilibre, boucles et dynamiques).

2. Coaching et logique d’accompagnement au changement

Comme nous l’avons montré précédemment avec la conception de l’approche systémique, le coaching provient des travaux de l’école Palo Alto avec des praticiens comme Gregory Bateson. Dans la littérature en gestion, l’intervention en coaching vise un « accroissement des capacités des individus », ce qui renvoie implicitement à l’idée de transformation et de changement (Persson, 2019). Robert Dilts (2003) affirme que le coaching augmente la capacité d’apprentissage et la relation au changement du coaché par sa propre réalité et logique.  Selon Bouillon et Paraschiv (2020), le coaching individuel et collectif sont des interventions visant l’accompagnement au changement.  Il paraît évident, selon la perceptive systémique, d’associer le coaching individuel et le coaching de groupe pour assurer un meilleur équilibre et accompagnement des changements individuels dans le système (Amar & Angel, 2017).

Le coaching individuel est un accompagnement visant l’émergence des ressources et compétences (Bouillon et Paraschiv, 2020). Le changement qui s’opère chez un individu, dans une mission de coaching réussit est définit par Taylor et al. (2019) comme « une modification dans la conception de soi et/ ou de ce que l’on veut, jusqu’au point où l’individu met en place une transformation autodirigée de ses attitudes, de sa motivation et/ou de son comportement ».
Le changement est induit d’un caractère intentionnel et d’un effet dans le temps (Bachkirova et al., 2014). Il est, donc, nécessaire pour le coach d’accompagner l’émergence du processus motivationnel chez l’individu (Taylor et al., 2019). D’après la théorie de l’autodétermination de soi, les individus agissent selon une certaine cohérence dans leurs expériences pour développer de nouvelles ressources et compétences. L’intervention du coaching individuel accompagne le changement d’un individu en accentuant sa réflexion sur ses propres ressources et compétences au sein de son environnement (Bouillon et Paraschiv, 2020).
L’intervention d’un coach peut être mobilisée aussi dans une dimension collective. Le coaching de groupe est un accompagnement qui intervient, plus particulièrement, sur les liens et le management au sein d’une équipe (Bouillon et Paraschiv, 2020). Hackman et Wageman (2005, p. 269) définissent le coaching des équipes comme « une interaction directe avec une équipe qui vise à aider les membres à utiliser d’une manière coordonnée et adaptée aux tâches, leurs ressources collectives, afin d’aboutir à la réalisation d’un travail d’équipe ». Ce type de coaching s’appuie sur les approches en conduite du changement. Tous les courants de littérature s’accordent, le coaching d’équipe est une intervention qui accompagne dans un environnement complexe les changements au sein d’une organisation (fonctionnement des équipes).

Ces deux types d’intervention en coaching sont porteurs de sens et de changements pour le coaché. Bono et al. (2009) note que l‘apprentissage de nouvelles compétences et les changements d’attitudes sont les facteurs les plus pertinents en terme de changement dans une situation de coaching. Grant (2014) et Boysen et al. (2018) ont, quant à eux, souligné les indicateurs de changements individuels et collectifs dans un contexte professionnel, mais aussi extra-professionnels :

  • Individuels : processus de réflexion, compétences, atteintes d’objectifs
  • Collectif : amélioration de la communication, confiance et de l’engagement au sein de l’équipe
  • Extra-professionnels : équilibre vie privée/vie professionnelle, relations familiales, image de soi, satisfaction de vie

 

3. Coaching et dynamiques de changements : apports et flexibilité intellectuelle

Nous venons d’aborder les différents types d’accompagnement en coaching et leurs logiques de changements induites chez le(s) coaché(s).  Nous continuerons notre analyse avec les travaux de Bouillon et Paraschiv (2020) sur l’articulation d’une mission de coaching réussit et les dynamiques de changements résultantes. Dans leur étude, Bouillon et Paraschiv (2020) ont mené une série d’entretien semi-directif entre coach et coachés afin de déterminer un mode d’évaluation concernant la réussite d’une mission de coaching et les dynamiques de changements qui en résulte. Il apparaît qu’une mission de coaching réussite repose, principalement, sur l’atteinte des objectifs et des résultats attendus du coaché ; d’où l’importance de l’étape de clarification avec des critères de réussites pour le coaché. Toutefois, il est important de remarquer que ces objectifs peuvent évoluer en une autre demande, autrement connu chez les coachs comme la demande cachée.
Le coaching est donc perçu en tant que vecteur de changement quant à l’évolution des coachés. Bouillon et Paraschiv (2020) ont réussi à montrer que la réussite de l’intervention d’un coach provoque trois grandes dynamiques de changement chez le coaché.

Tout d’abord, on trouve les changements de cap qui sont caractérisés par le développement des finalités attendues du coaché. Ce type de changement impacte un des déterminants dans la construction de sens chez le coaché, à savoir la direction. Cette dynamique directionnelle est, notamment, dû au fait que les objectifs prédéterminés évoluent et aboutissent à des résultats différents de ceux exprimés au départ (la fameuse demande cachée). Ce mécanisme, propre au coaching, est porteur d’indicateurs d’évolutions dans l’accompagnement du coaché. En effet, le coaché pourra aboutir à une autre direction qui n’étais alors, pas forcément, envisageable au préalable. Toutefois, il est important de noter que dans leur étude, Bouillon et Paraschiv (2020) souligne l’éventualité d’arriver à des situations de blocage. Cependant, ils expliquent aussi que ces situations sont le fruit de l’intégration de facteurs subjectifs. Dès lors, ces facteurs ne doivent pas être perçus comme des freins au changement, mais au contraire comme des moteurs et leviers du changement.
Dans un second temps, les changements systémiques sont perceptibles dans l’ensemble de l’environnement du système, particulièrement dans son organisation et dans le comportement des individus. Cette dynamique systémique comprend plusieurs procédés liés à l’adaptabilité et la progression de groupes dans son ensemble (efficacité, respect, valorisation et meilleure clarté dans la communication). Cette vision d’un changement systémique impacte aussi la question de sens en agissant sur les relations interpersonnelles au sein de ce système, c’est-à-dire sur les interactions et les relations avec autrui et notre environnement.   La compréhension que nous pouvons avoir de la complexité de ces interdépendances s’opèrent par un raisonnement rationnel des émotions des individus visant à les guider, avec une meilleure prise de recul, dans leurs choix. Cette approche systémique du changement s’attarde aussi sur la valorisation, le respect et la reconnaissance de chacun pour atteindre une plus grande satisfaction dans le système.
Enfin, les changements de cadre correspondant en une décision de mobilité du coaché qui rentre en rupture avec son environnement actuel (exemple changement ou rupture de poste).  Cette dynamique de mobilité comprend, elle aussi, un des déterminants du sens qui est la dimension intentionnelle ou d’action de l’individu. Bien entendu, ce type de changement doit être accompagné, comme les autres, en respectant l’écologie du coaché. Cependant, le coach devra bien conduire le coaché à adopter une posture raisonnée dans la maturation de ses décisions.

Les deux premières dynamiques sont liés à la valorisation de l’individu et de l’équipe dans le système. Quant à la troisième, nous sommes plus focalisés sur un changement de type 2 selon l’approche systémique, car cette dynamique admet une rupture ou une modification avec le système actuel. En effet, la mise en place de cette dernière émerge lorsqu’un décalage est conscientisé entre le coaché et le système dans lequel il évolue.
Ces trois dynamiques de changements contribueraient à avoir un impact positif sur la satisfaction, l’équilibre et le bien-être des coachés. Elles favoriseraient, aussi, une meilleure collaboration et prise en compte des caractéristiques et des attentes de chacun par rapport au système présent (Bouillon et Paraschiv, 2020 ; Ayadi et al., 2019).
Bouillon et Paraschiv (2020) ont pu constater que ces trois dynamiques de changements améliorent la flexibilité intellectuelle. Caractérisée par une meilleure adaptabilité face aux situations complexes et aux changements, cette flexibilité intellectuelle conduit les individus à agir plutôt que subir les aléas du changement et du système.

 

Conclusion
Nous avons entamé notre réflexion sur l’approche systémique et sur sa particularité d’obtenir une lecture particulière des interactions en inscrivant l’individu dans un système plus large d’appartenance (famille et organisationnelle). Cette approche contribuerait à apporter de nombreux indicateurs sur le système et sur les changements qui peuvent opérer (type 1 et 2) dans ce système ou environnement complexe. Nous avons détaillé dans cette perspective systémique les différentes formes d’accompagnement en coaching et leurs logiques de changement. Les changements majeurs en accompagnement individuel et collectif sont l’apprentissage de nouvelles compétences, connaissances et des changements d’attitude. Enfin, nous avons expliqué qu’une mission de coaching réussit développait trois grandes dynamiques de changements : de cap, systémique et de cadre. Ces changements favorisent la relation intrapersonnelle et interpersonnelle d’un individu en ayant une réflexion sur les capacités, les compétences et les attentes de chaque individu par rapport à lui-même et à son environnement. Il paraîtrait que ces dynamiques auraient une répercussion positive sur la satisfaction au travail, l’équilibre et le bien-être des individus (Bouillon et Paraschiv, 2020 ; Ayadi et al., 2019). Selon l’étude de Bouillon et Paraschiv (2020), ces différents changements développeraient l’adaptabilité d’un individu ou des équipes par une plus grande flexibilité intellectuelle.

Nous aborderons dans un prochain article les apports de la flexibilité intellectuelle pour un coaché dans une intervention de coaching. Nous irons jusqu’au concept de résilience afin d’appréhender cette faculté qu’un individu peut faire preuve pour rebondir face à des chocs ou traumatismes dans des environnements complexes et en perpétuelle évolution.

 

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Bibliographie

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Bouillon, É. & Paraschiv, C. (2020). Le coaching, un vecteur de changement au sein des organisations ?. Revue française de gestion, 6(6), 73-87. https://doi-org.ezpaarse.univ-paris1.fr/10.3166/rfg.2020.00466

Boysen S., Cherry M., Amerie W. et Takagawa M. (2018). “Organisational coaching outcomes : A comparison of a practitioner survey and key findings from the literature”, International Journal of Evidence Based Coaching and Mentoring, vol. 16, no 1, p. 159-166.

Dilts R. (2003). From Coach to Awakener, USA, Meta Publications.

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Hackman J.R. et Wageman R. (2005). “A theory of team coaching”, Academy of Management Review, vol. 30, no 2, p. 269-287.

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Taylor S.N., Passarelli A.M. et Van Oosten E.B. (2019). “Leadership coach effectiveness as fostering self-determined, sustained change”, The Leadership Quarterly, vol. 30

Doctorant CIFRE - R&D Linkup Coaching
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