Coaching et terrain sensible 

Introduction

Les recherches en terrain sensible, notamment celles liées aux risques psychosociaux (RPS) ou à la résilience, apportent des enseignements précieux non seulement pour les chercheurs, mais aussi pour les situations de coaching. Ces derniers peuvent tirer parti des réflexions méthodologiques et des concepts issus des recherches pour mieux accompagner leurs clients. Nous proposerons une relecture méthodologique des recherches en terrain sensible, en les adaptant à une perspective utile pour les coachs. 

Comprendre les terrains sensibles dans le coaching 

La sensibilité d’un terrain ne dépend pas uniquement du sujet étudié, mais aussi de la dynamique sociale et émotionnelle qui entoure ce dernier (Hennequin, 2012). Dans le coaching, cette sensibilité peut se manifester lorsque des individus traversent des périodes de vulnérabilité, comme lors de burn-out, de restructurations organisationnelles ou de conflits interpersonnels. Ces contextes, bien que délicats, représentent des opportunités uniques pour aider les clients à développer leur résilience. Ils nécessitent donc une approche respectueuse et consciente des fragilités des clients. 

La posture du coach face à la sensibilité

À l’instar du chercheur, le coach doit clarifier son rôle, gérer les attentes, et instaurer un cadre de confiance dès le début de l’accompagnement (Giroux, 2003).
Pour un coach, cela implique : 

• De préciser les objectifs de l’accompagnement. 
• D’expliquer les limites de la confidentialité, en particulier lorsque des tiers (comme l’employeur) sont impliqués. 
• D’être attentif aux signes de détresse ou de résistance émotionnelle chez le client. 

 Les RPS : un enjeu clé pour les coachs

Les risques psychosociaux regroupent les situations où le travail peut engendrer un stress négatif, des conflits, ou des troubles émotionnels. Ces risques sont souvent liés à des déséquilibres dans les exigences professionnelles, le soutien reçu, ou la reconnaissance au travail (Bourguignon et al., 2021). Les RPS peuvent donc être perçus comme des défis à surmonter, mais aussi comme des opportunités de croissance personnelle (Bourguignon et al., 2021). En effet, le coaching devient ici un espace pour transformer les difficultés en apprentissages, en adoptant des méthodologies issues des sciences humaines, comme la psychanalyse clinique ou les techniques réflexives (Pluchart et al., 2021).

Transformer les RPS en levier de résilience

Les RPS ne sont pas seulement des problèmes à résoudre : ils constituent aussi des déclencheurs pour le développement de la résilience. Pour aborder les RPS, le coach doit trouver un équilibre entre une proximité empathique et une distance analytique. Cette double posture permet de maintenir un regard critique tout en offrant un soutien adapté aux besoins du client (Kiyimba & O’Reilly, 2016). Une approche réflexive et empathique permet donc au coach d’aider les clients à naviguer dans ces périodes critiques et à construire des réponses adaptées. Les coachs doivent être conscients que les RPS, en particulier ceux liés à des contextes judiciaires ou organisationnels, peuvent représenter des enjeux de pouvoir. Adopter une posture neutre et respectueuse garantit un accompagnement objectif et bienveillant. 

Accompagner la résilience individuelle

La résilience se définit comme :

• la capacité d’un processus d’adaptation de réponse des individus, d’anticipation de l’environnement, de redéploiement des ressources pour faire face au stress ou une crise tout en s’ajustant (Werner et Smith, 2001 ; Folke, 2006 ; Friedli, 2009 ; McManus et al., 2008 ; Bhamra et al., 2011 ; Annarelli, Nonino, 2015).
• la capacité de rebondir face à des perturbations dans un environnement complexes (Gallopin, 2006 ; Lengnick-Hall et Beck, 2005 ; McManus, 2008 ; Séville et al., 2006 ; Ungar, 2009).  

la résilience se définit donc comme la capacité d’un individu à mobiliser ses ressources internes et externes pour surmonter des épreuves. Elle implique non seulement un retour à un état d’équilibre, mais aussi un processus d’apprentissage et de transformation. 

Les stratégies de coping

Les stratégies de coping représente le versant adaptatif de la résilience. Ce sont des mécanismes ou des réactions comportementales utilisés par les individus pour s’adapter à une situation difficile. Les individus confrontés à des RPS mettent en œuvre diverses stratégies de coping qui peuvent être : 

• Fonctionnelles : Résolution de problèmes, recherche de soutien, prise de recul. 
• Dysfonctionnelles : Déni, blâme (auto-culpabilisation) évitement, comportements autodestructeurs (Jacquinot et al., 2021). 

Pour le coach, identifier ces stratégies permet d’accompagner le client dans une réorientation vers des comportements plus adaptés et notamment de mieux faire face aux doutes et aux échecs de sa situation. 

Mobiliser la théorie de la conservation des ressources (COR-T)

La théorie de la conservation des ressources (COR-T), développée par Hobfoll (1989), offre un cadre d’analyse pour comprendre comment les individus réagissent face à des pertes ou des gains de ressources. En coaching, cette approche permet d’analyser les cercles vertueux (mobilisation de ressources pour en acquérir davantage) ou vicieux (pertes successives de ressources) dans lesquels les clients peuvent être pris, et de les aider à mobiliser leurs ressources pour sortir de ces dynamiques négatives (Hobfoll, 1989 ; Hobfoll et al., 2018).

La théorie COR dispose donc d’un capital ressources important et exerce un effet protecteur face aux pertes potentielles ou réelles des RPS (Benoist, 2021).

Les outils méthodologiques pour un coaching efficace

Techniques qualitatives pour libérer la parole 

Dans les terrains sensibles, encourager une expression authentique des émotions, des expériences et la libération de la parole sont des enjeux majeurs. Les outils recommandés incluent (Sampson et al., 2008) : 

• Techniques projectives : Dessins, métaphores ou scénarios hypothétiques qui permettent d’explorer des émotions difficiles à verbaliser.
• Questions ouvertes : Inviter à raconter une expérience ou décrire des ressentis en profondeur.
• Reformulations : Assurer une compréhension mutuelle tout en encourageant l’exploration.

Approches quantitatives pour mesurer l’impact

Bien que le coaching repose largement sur des approches qualitatives, l’intégration de mesures quantitatives peut enrichir le processus pour évaluer les progrès de son client (Rogers et al., 1999). Par exemple : 

• Échelles de stress perçu. 
• Indicateurs de satisfaction professionnelle. 
• Outils de mesure de la résilience ou des stratégies de coping comme le BRIEF COPE.
• Des questionnaires sur les RPS comme le COPSOQ 

Ces outils offrent donc des repères objectifs pour évaluer l’évolution du client et celui-ci ressentira un accomplissement de soi envers son objectif et un gain de confiance en soi.

Éthique et réflexivité dans l’accompagnement

Le respect de la confidentialité est central, surtout lorsque les clients partagent des expériences sensibles (Giroux, 2003). Les coachs doivent garantir que les informations ne seront pas divulguées sans consentement explicite. Pour les coachs, cela implique de définir clairement les limites de la confidentialité, en particulier lorsque des tiers (comme des employeurs) sont impliqués.

Adopter une posture réflexive

La réflexivité, ou la capacité à analyser ses propres biais et comportements, est essentielle pour éviter de projeter ses propres perceptions sur les clients (Bourdieu, 2003). Cette capacité permet aux coachs de rester alignés avec leurs valeurs tout en offrant un accompagnement adapté aux besoins spécifiques des clients. 

Conclusion

Les recherches en terrain sensible, initialement conçues pour les chercheurs, offrent des outils et des perspectives enrichissantes pour les coachs. En adoptant une posture empathique, en mobilisant des outils qualitatifs et quantitatifs, et en s’appuyant sur des cadres théoriques comme la théorie de la conservation des ressources, les coachs peuvent maximiser l’impact de leur accompagnement. Cette approche, ancrée dans une réflexion éthique et méthodologique, garantit une réponse adaptée aux besoins des clients tout en favorisant leur résilience et leur épanouissement. 

Comment développer son activité de coach :

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