Dans l’article précédent, nous avons montré que les différentes dynamiques de changement chez un individu développé la flexibilité intellectuelle. Cette capacité à s’adapter aux aléas du changement dans des environnements V.U.C.A. Après en avoir développé les différents liens avec l’accompagnement en coaching, nous avons finalisé sur la flexibilité intellectuelle en tant qu’élément majeur de la résilience. Nous entamerons donc ce quatrième article sur les bénéfices de la résilience, de son application à un système et de la transilience. Plus particulièrement, nous attarderons notre analyse sur le lien entre le coaching et la résilience avec l’aide des stratégies de coping et l’empowerment.
Nous pouvons donc nous questionner sur ce qu’est la résilience ? Quels sont ces apports et comment s’applique-t-elle à un système ou une organisation ? Comment l’accompagnement de coaching permet de favoriser une transformation par la résilience qui bénéficierait à la mise en action et la flexibilité de l’individu.
Après avoir réalisé un état des recherches sur la résilience, ses différentes capacités et son application à un système ou une organisation. Nous traiterons des transformations possibles par la résilience et quelles sont les contributions d’un accompagnement de la résilience en coaching.
1.Résilience et Résilience Organisationnelle, compréhension et action dans un environnement en crise
Nous approfondirons, tout d’abord, le concept de résilience et de résilience organisationnelle afin d’avoir une meilleure compréhension d’un système en situation de crise. Ainsi, nous comprendrons comment la résilience s’applique à un système et permet un meilleur pouvoir de décision et d’action.
Nous appuierons notre analyse à l’aide des travaux de Gilles Teneau, chercheur associé au LEMNA (Université de Nantes) et au laboratoire CNRS, président Fondateur de CIRERO (Centre de Recherche en Résilience des Organisations), directeur des cahiers risques et résilience (C2R) et membre du conseil scientifique du congrès mondial de la résilience. Dans sa conférence, Teneau (2021) représente une organisation par sa structure, son entité, sa stratégie, son management, par les hommes qui la composent et par sa culture d’entreprise (valeur de l’organisation). Il ajoute que lorsqu’une crise arrive, elle peut toucher une ou plusieurs de ces caractéristiques et provoquer des risques d’effondrement. Par conséquent, l’entreprise doit y faire face avec l’aide de nouvelles technologies et stratégies afin de s’adapter et d’évoluer face à ces changements. Ces différents bouleversements et changements peuvent conduire à des états de crise pour l’organisation (ex coronavirus). Si une crise est présente, il y a donc bien un avant, un pendant et un après-crise. C’est ici que la résilience organisationnelle trouve son importance. En effet, ce processus peut être envisagé à chaque étape de la crise.
Dans le dictionnaire le petit Robert, la résilience signifie « reculer pour mieux sauter ». La résilience apparaît comme la capacité à vivre et se développer en surmontant des chocs traumatiques et l’adversité. Elle représente la capacité de se délier d’un traumatisme et de se reconstruire après un choc.
Appliquer la résilience à une organisation ou un système a vu le jour avec les travaux de Malak avec le concept de résilience organisationnelle (RO). Ses origines proviennent, notamment, de questionnements liés à l’identité organisationnelle dans les organisations. Teneau définit ainsi la résilience organisationnelle (RO) comme « la capacité d’un système (individu, collectivité, organisation), confronté à des événements fragilisants et déstabilisants, voire catastrophiques de mobiliser ses ressources en vue de rester en lien avec sa finalité et se projeter dans son futur ». Dans sa conférence, Teneau (2021) nous présente les principales similitudes entre le concept de résilience organisationnelle et les définitions psychologiques de la résilience :
– La résilience est la capacité d’un processus d’adaptation de réponse des individus, d’anticipation de l’environnement, de redéploiement des ressources pour faire face au stress ou une crise tout en s’ajustant (Werner et Smith, 2001 ; Folke, 2006 ; Friedli, 2009 ; McManus et al., 2008 ; Bhamra et al., 2011 ; Annarelli, Nonino, 2015).
– La résilience est, aussi, la capacité de rebondir face à des perturbations dans un environnement complexes (Gallopin, 2006 ; Lengnick-Hall et Beck, 2005 ; McManus, 2008 ; Séville et al., 2006 ; Ungar, 2009).
La RO s’adapte donc au cycle de vie d’une crise. Dans cette perspective, Teneau aborde trois points majeurs à réaliser. Premièrement, une analyse des risques pour une compréhension et une anticipation de la situation de crise. Puis proposer une réponse résiliente en s’adaptant aux turbulences avec réactivité. Enfin, adopté une posture quant aux développements des compétences et des capacités (apprentissage organisationnel).
De nombreuses recherches affirment que mettre en œuvre des mesures de résilience avant la crise permettrait une meilleure gestion et survie de l’organisation pendant la crise afin de la faire progresser vers un développement organisationnel. L’approche par la résilience organisationnelle opère comme une ressource pour activer des conditions d’homéostasie. Dans ce cadre, la résilience fait appel aux ressources internes de l’organisation et des individus comme leur prise de décision et d’action. La majorité des travaux antérieurs sur la RO propose d’intégrer une résilience axée sur la stratégie et la structure organisationnelle comme moyen d’intervention face aux turbulences (Mallak, 1998 ; Weick, 1995 ; Woods, Hollnagel, 2006 ; Sutcliffe, 2003 ; Madni, 2007). Gilles Teneau et d’autres ont décidé, quant à eux, d’orienter leurs recherches sur les ressources humaines et donc l’individu (Gallopin, 2006 ; Séville, 2006 ; Folke, 2006 ; McManus, 2008 ; Koninckx, 2009). Pour le bon fonctionnement de l’organisation, il faut donc que les individus adoptent aussi des réponses résilientes. Afin que les individus développent une posture résiliente, il est nécessaire de nous attarder sur les transformations résilientes.
2. La Transilience, Une Transformation Résiliente en plusieurs étapes
Les transformations résilientes permettent l’émergence d’une théorie de la résilience organisationnelle selon Teneau (2021). Ces transformations sont, plus communément, caractérisée récemment sous le terme de Transilience. Une approche par la transilience s’appuie sur la résilience en tant qu’opérateur conceptuel. Dans la mesure où la résilience invite à développer notre capacité d’adaptation et de rebond, Teneau (2021) affirme qu’il existe donc de multiples formes et étapes à la transilience.
La première étape se caractérise par une compréhension des facteurs causés par le contexte et les interactions dans l’environnement. Tout d’abord, la transilience doit permettre d’entamer une réflexion épistémologique sur les concepts de la résilience. L’organisation cherche à mieux comprendre l’impact du contexte, de la contingence et de l’environnement mouvant. Cette étape, se caractérise par le franchissement d’une barrière sélective, c’est-à-dire que nous avons un schéma représentationnel de l’organisation qui va se transformer en un schéma transformationnel. Cette réflexion s’opère à la fois sur l’identité organisationnelle (structure et stratégies), mais aussi sur les humains qui la composent (Management et culture d’entreprise).
La seconde forme s’attarde sur le changement et l’innovation au sein du système. Durant cette phase, Il faut intégrer aux individus et au système une logique de changement qui soit moteur de l’innovation. Face à des changements dans des environnements V.U.C.A, les individus se doivent de créer les conditions d’une performance améliorée en mobilisant différents leviers du changement comme la structure, la culture et la stratégie de l’organisation.
La troisième forme va permettre d’intégrer de nouveaux aspects, de nouvelles mutations et relations au sein du système. Ces différents changements vont impacter les valeurs des individus et les inscrire ainsi, dans une transformation stratégique avec de nouvelles valeurs et de nouvelles manières d’envisager les choses (capacité d’adaptation). Les individus s’intéressent, ici, aux différentes formes de résiliences, à savoir individuelle, collective et organisationnelle. À chaque forme de résilience, sera associée une stratégie de résilience adéquate. Selon les stratégies, le temps sera variable pour arriver à la mise en place d’un modèle de maturité de la résilience. Dans un temps court, il s’agira de s’attarder sur la structure organisationnelle et identitaire de l’organisation. Tandis que dans un temps long, ce sera la culture d’entreprise qui sera à aborder. En effet, il est plus facile de modifier le management et les comportements au sein de l’organisation plutôt que la culture de celle-ci qui prend un temps bien plus considérable.
La dernière étape s’apparente à une théorie générale de la résilience par une transdisciplinarité entre les différentes stratégies de résiliences. C’est un processus dynamique durant lequel les ruptures et risques d’effondrements sont possibles. Les crises d’identité organisationnelle impactent les individus et peuvent les conduire à une crise d’identité individuelle dans la modification de leurs valeurs et de la culture d’entreprise. Le concept de transilience permet donc d’unir toutes les résiliences (individuel, collectif et organisationnel). Selon Teneau, c’est en cela que la transilience conduirait vers une réflexion de la théorie de la résilience basé sur un réalisme critique. C’est-à-dire un champ du possible qui émerge de l’intuition, de l’imaginaire des individus pour faire face aux aléas du changement.
Teneau constate qu’il existe différentes réactions de la part des organisations selon le contexte et selon les formes de résiliences mise en place. Les organisations de type robuste commencent à mettre en place des concepts comme l’intelligence collective, la résilience organisationnelle ou l’intelligence émotionnelle. Selon Teneau, ces types d’organisation résultent de deux types de résilience :
– Résiliences de type 1, l’organisation arrive à faire face à la crise et au moins revenir à son système initial.
– Résiliences de type 2, l’organisation a, au préalable, mis en place des conditions de résilience avant la crise pour détecter les signaux faibles et dangers éventuels. L’organisation bénéficie donc du choc de la crise pour que le système se transforme dans sa globalité (Transilience d’un point de vue micro, macro, méso).
Maintenant que nous avons développé nos recherches sur la résilience, son application à un système et comment opérer sa transformation, nous accentuerons notre analyse sur le lien entre coaching et résilience.
3. Coaching et résilience, un accompagnement au service du Coping et de l’empowerment
Nous l’avons vu précédemment, le processus de résilience comprend des modalités de résistance au stress ou au traumatisme et la capacité d’y faire face. Selon la récurrence, cette capacité peut permettre l’acquisition de modes de protection comme le coping ou l’empowerment.
Cette capacité d’adaptation ou coping est décrite par Lazarus (1984) comme « l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, à réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources de l’individu ». Il existe, selon Ionescu (2020), quatre dimensions et utilisations principales du coping :
– Le coping visant la régulation de la détresse émotionnelle.
– Le coping centré sur le problème qui se trouve être à l’origine de la détresse humaine.
– Le coping visant une réduction de la tension émotionnelle.
– Le coping vigilant visant à affronter la situation pour la résoudre.
En science de gestion, l’empowerment désigne le pouvoir d’agir et d’action. C’est un processus d’apprentissage dynamique durant lequel un individu développe des capacités, des compétences, et lui permet ainsi de prendre des initiatives et d’avoir un meilleur contrôle sur sa vie et son environnement (Leroux et Barthod-Prothade, 2016, 2017 ; Morin, 2008 ; Morin et al. 2009).
Le coping et l’empowerment sont notamment employés dans les processus de coaching, car ils sont à l’origine de nombreuses demandes et objectifs de la part des coachés. Le coach est une ressource externe qui va mobiliser les ressources internes de l’individu. Comme nous l’avons montré dans le précédent article, le coaching est porteur de flexibilité intellectuelle et donc de cette capacité d’adaptation à son environnement. De plus, le coach participe activement à faire émerger les capacités et les compétences des individus pour leurs faire atteindre leurs objectifs et avoir un meilleur contrôle sur eux-mêmes et leurs environnements. Le coaching participe donc grandement aux stratégies de coping et à la capacité d’agir (empowerment) des individus.
Le coaching est un outil de la résilience qui encourage la mise en action du coaché en le responsabilisant et l’accompagnant dans l’apprentissage de nouvelles compétences et capacités. En vue d’un objectif ou d’une demande, le coach va adopter une posture bienveillante et éthique propre à l’accueil des émotions pour conduire le coaché à faire preuve de flexibilité. Selon Mazurek (2020) et plusieurs coachs professionnels, l’approche d’un coach est un outil adapté à l’accompagnement de tout individu ayant subi un traumatisme et souhaitant un développement d’un parcours de résilience. Au niveau individuel ou collectif, l’approche coach se caractérise, avant tout, par une écoute active, la mise en place d’un cadre de référence pour l’accueil des émotions et la mise en action quant à l’atteinte d’un objectif.
Il semblerait que de nombreuses recherches actuelles s’orientent vers un lien entre sens et résilience organisationnelle. Dans son étude en soin d’équipe covid, Kurschat (2020) a mis en évidence qu’une stratégie de résilience organisationnelle avec un processus de création de sens dans un contexte pandémique peut favoriser l’adaptabilité d’une équipe à une crise.
Conclusion
Nous avons donc défini ce qu’est la résilience et son application à un système avec la résilience organisationnelle. La résilience est un processus dynamique qui implique de mieux s’adapter et de réagir après un traumatisme en faisant appel aux compétences des individus, pour y faire face. Nous nous sommes attardés aussi sur la transilience qui représente une transformation par la résilience en plusieurs étapes. Ce processus résultant de l’interaction du sujet avec son environnement, appelle à des ressources internes et externes. Le coach peut donc bien avoir sa place en tant que tuteurs de la résilience, car il est une ressource externe, au service de la mobilisation des ressources internes du client. Ces ressources internes, mobilisées par le coach, s’apparentent, dans le processus de résilience, à des stratégies d’adaptation ou coping qui démontre une flexibilité plus accrue chez l’individu et un empowerment ou une mise en action quant à l’atteinte d’objectif.
Le coaching est donc un outil de la résilience qui contribuerait aussi à améliorer la construction de sens chez le coaché en l’accompagnant au travers d’une direction préalablement définie. Cet enjeu central entre le processus de création de sens et le coaching fera office d’un prochain article prochainement.
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Bibliographie
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Benoît, J. (2020). La place du coaching dans le processus de résilience. Revue Européenne de Coaching.
Ionescu, S., Jacquet, M., Lhote, C. (2020). Les mécanismes de défense: Théorie et clinique. Paris: Dunod. https://doi.org/10.3917/dunod.serba.2020.01
Koninckx, G. & Teneau, G. (2010). Chapitre 6. Les acteurs. Dans : , G. Koninckx & G. Teneau (Dir), Résilience organisationnelle: Rebondir face aux turbulences (pp. 161-179). Louvain-la-Neuve, Belgique: De Boeck Supérieur.
Kurschat, C. (2020). Crise sanitaire 2020 : Entre Sens et Résilience organisationnelle, le cœur d’une équipe de soins. Projectics / Proyéctica / Projectique, S(HS), 11-32. https://doi-org.ezpaarse.univ-paris1.fr/10.3917/proj.hs01.0011
Mazurek, H. (Coord.) (2020) Pratiques basées sur la résilience. AMU, IRD, LED Aix Marseille Université, Institut de Recherche pour le Développement, Laboratoire Population, Environnement, Développement, 568p. :
– Pening, Jean-Luc Coach. Le coaching, outil de résilience ?
Mhiri, S. & Teneau, G. (2015). L’emprise du stress chez les cadres superieurs et intermediaires: Quelles différences ? Une approche par la théorie de la préservation des ressources. Revue internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisationnels, 52(52), 293-312. https://doi.org/10.3917/rips1.052.0293
Teneau, G. (2021). Conférence à l’atelier de Recherche de la Chaire Risques de l’IAE Paris-Sorbonne sur la résilience organisationnelle. 7 janvier 2021.
Tisseron S. (2007) La résilience. Paris : Presses Universitaire
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