Bonjour à tous, aujourd’hui, j’ai des merveilles à vous raconter. Vous l’aurez compris, l’exception tend à devenir la règle. L’unité thématique est mise à mal, mais l’amour vrai n’a jamais suivi un cours facile et l’amour ne voit pas avec les yeux, mais avec l’imagination. Et il en va de l’amour comme de la pensée.
Pour cette nouvelle année, nous ferons donc honneur au titre honorifique du coaching, une discipline transversale et appliquée des sciences humaines et sociales. Et si au moins un des livres choisis n’aura sûrement pas d’application directe, il aura l’avantage de stimuler votre curiosité et votre imagination. Et c’est au moins tout ce que l’on vous souhaite pour cette nouvelle année, très chers lecteurs.
Les merveilles annoncées sont de Howard Becker, Fernand Braudel et Charles Pépin. Ces ingrédients ont été soigneusement choisis pour vous offrir un mélange tonifiant, pour un plein de vitamines C et D en ces temps troubles, nuageux et froids. Le livre d’Howard Becker, Outsiders, est un classique incontournable de la sociologie, et plus particulièrement de la sociologie de la déviance. Le livre de Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, est une remarquable recherche sur l’origine de notre société. Le livre de Charles Pépin, Les vertus de l’échec, nous enlèvera le stress lié à nos bonnes résolutions que nous ne tiendrons pas.
Bibliographie
C’est dire qu’il n’est pas facile de cerner l’immense royaume de l’habituel, du routinier, « ce grand absent de l’histoire ». En réalité, l’habituel envahit l’ensemble de la vie des hommes, s’y diffuse comme l’ombre du soir remplit un paysage. | Braudel F., 2014 (1988), La dynamique du capitalisme, Flammarion « Champs », p. 21
Howard Becker, 1895 (1963), Outsiders. Etudes de sociologie de la déviance, Métailié
Becker nous propose une plongée dans deux mondes qui se recoupent parfois, celui des fumeurs de marijuana et celui des musiciens de jazz. Lui-même pianiste de jazz, il écume les clubs de Chicago pendant ses études et récolte un matériau ethnographique particulièrement fourni, qui constituera le point de départ de ses réflexions sur la déviance. La déviance, chez Becker, est considérée en rapport avec les normes instituées. Cette observation apparemment banale est en fait décisive. Si la déviance se considère en rapport avec des normes sociales, cela signifie qu’elle est construite socialement par des agents particuliers. Becker parlera notamment d’entrepreneurs de morale. La déviance est donc avant tout une question de définition, de l’autre d’abord, de soi ensuite.
Fernand Braudel, 2014 (1988), La dynamique du capitalisme, Flammarion « champs »
Comment passe-t-on du marché au capitalisme ? A travers cette question, Braudel nous emmène aux origines de ce dernier, les XVIe et XVIIe siècles. Il y distingue trois niveaux économiques. Le premier, ce sont les marchés, les boutiques et les colporteurs qui constituent un monde local et inférieur de l’économie. Le second, un peu plus international, ce sont les foires et les bourses. Ces événements qui rayonnent (notamment la foire de Lyon) au-delà des frontières nationales. Ces deux niveaux sont ce que Braudel appelle l’économie de marché, ils constituent le « plancher de la vie économique » (p. 28). L’apparition du capitalisme tient en fait à un autre niveau, une superstructure dont l’émergence se fait doucement à partir du XVIe siècle. Ce niveau supérieur fait fi des frontières et se développe à partir des échanges toujours plus massifs liés aux biens du nouveau monde. Il est proprement international et lie les biens de luxes consommés en Asie et en Europe, dont l’accumulation formera bientôt un capital.
Charles Pépin, 2016, Les vertus de l’échec, Allary Editions
Pépin mène dans ce livre une réflexion fonctionnelle sur l’échec, en montrant l’importance de ce dernier dans le succès. L’auteur y propose de nombreux exemples de personnalités dont les échecs ont été fondateurs d’un succès à venir. Vous y retrouverez nombre de figures qui vous sont familières : Steve Jobs, De Gaulle, Gainsbourg, Barbara, Churchill, Nadal, etc. Au-delà de ces considérations historiques, Pépin oscille entre deux conceptions philosophiques de l’échec. La première qu’il tire de Sartre consiste à dire que l’échec permet de « se réinventer ou de se découvrir disponibles pour autre chose, […] dans une logique du devenir » (p. 209). La seconde est plus psychanalytique. En lieu d’un devenir, c’est d’une autre conception de soi qu’il est question. L’échec ne remet pas en question ce que nous allons faire mais ce que nous sommes. Il propose un dépassement de cette opposition qu’il illustre d’un commentaire du deviens ce que tu es de Nietzsche. L’échec doit nous permettre de changer ce que l’on fait dans l’optique de se rapprocher de ce que nous sommes (voir notamment p. 213), ‘ce que nous sommes’ étant plutôt proche de ce qui nous paraît essentiel.
Conseils de lecture
Les trois livres présentés ici sont simples à lire. Si celui de Becker est peut-être le plus scientifique et le plus précis, il est de notoriété publique qu’il écrit extrêmement bien, et les sujets choisis sont assez funs (jazz et herbe) pour stimuler la curiosité et ne pas tomber dans les affres académiques de l’ennui.
Celui de Braudel est issu de trois conférences où il résumait son œuvre majeure, Civilisation matérielle, économie et capitalisme. Il constitue donc une remarquable introduction à ce livre, qui est d’un accès plus compliqué puisque bien plus volumineux. Braudel, comme Becker, est connu pour sa plume imagée. Son rythme est particulièrement agréable, il nous embarque dans une histoire de l’Histoire.
Le livre de Pépin, qui est notamment connu pour ses lundis philo au cinéma de l’Odéon, est dans la droite veine de cette activité. C’est une réflexion philosophique abordable qui ne sacrifie pas néanmoins les références sérieuses sur l’autel de la vulgarisation. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à lire ces trois livres. Excellente année à tous.
Merci pour élargir notre champ individuel , susciter la curiosité, pemettre de s, interroger à travers ces suggestions de lecture.
Celui de Charles Pépin m inspire.
Diebolt -Morand sandrine
10 janvier 2017