L'approche de Karen Messing se distingue par une prise en compte des différences biologiques entre les sexes et une critique des biais présents dans les analyses traditionnelles des risques professionnels. On en parle ici !
Karen Messing est professeure émérite à l’Université du Québec à Montréal (UQAM). C’est une chercheuse de renom dont les travaux ont profondément marqué le domaine de la santé au travail. Spécialisée dans l’étude des conditions de travail des femmes. Karen Messing a mis en lumière comment les spécificités biologiques et les dynamiques de genre influencent la santé des travailleuses. Son approche se distingue par une prise en compte des différences biologiques entre les sexes et une critique des biais présents dans les analyses traditionnelles des risques professionnels.
1. Les biais de genre dans les études traditionnelles de santé au travail
L’un des premiers constats de Karen Messing est que les études classiques sur la santé au travail ont longtemps ignoré les spécificités des conditions de travail des femmes. Les études étaient souvent basées sur des échantillons masculins. De ce fait, les chercheurs considéraient implicitement que les résultats s’appliquaient également aux femmes. Cette approche a conduit à une sous-estimation des risques auxquels les femmes sont confrontées et à une invisibilisation de certaines pathologies professionnelles spécifiques à ce groupe.
Par exemple, les critères utilisés pour évaluer les troubles musculosquelettiques (TMS) étaient fréquemment adaptés à des morphologies masculines, sous-évaluant ainsi les risques pour les femmes, qui occupent souvent des emplois où les gestes répétitifs et les postures contraignantes sont fréquents.
2. Les spécificités biologiques et leurs conséquences sur la santé au travail
Karen Messing a insisté sur le fait que les femmes sont biologiquement différentes des hommes, et que ces différences doivent être prises en compte dans l’évaluation des risques professionnels. Par exemple, elle a étudié comment les différences dans la force musculaire, la taille, et les besoins énergétiques peuvent rendre certaines tâches plus pénibles pour les femmes. Notamment dans les secteurs où le matériel et les équipements ne sont pas adaptés à leur morphologie.
De plus, Messing a montré que certaines expositions professionnelles pouvaient avoir des effets plus marqués sur les femmes. Par exemple, les expositions aux produits chimiques, qui peuvent affecter la santé reproductive, sont généralement mal prises en compte dans les évaluations des risques. Ses travaux ont souligné la nécessité d’une approche différenciée, tenant compte des cycles hormonaux, de la grossesse, et de la ménopause, qui peuvent modifier la vulnérabilité des femmes aux risques professionnels.
3. L’impact des risques psychosociaux
Un autre aspect important des recherches de Karen Messing concerne les risques psychosociaux. Ces derniers touchent particulièrement les femmes. Elle a montré que les femmes, en raison de leur position souvent subordonnée dans l’organisation du travail et des attentes sociales liées à leur rôle de « care », sont plus exposées au stress, à l’épuisement professionnel (burn-out), et aux violences psychologiques.
Messing a également étudié comment la double journée de travail – les responsabilités professionnelles suivies des tâches domestiques – crée une surcharge de travail. Celle-ci pouvant gravement affecter la santé mentale et physique des femmes. En effet, cette surcharge conduit fréquemment à une chronicité des problèmes de santé, tels que les troubles du sommeil et les maladies cardiovasculaires.
4. Recommandations et implications pour les politiques de santé au travail
Les travaux de Karen Messing ont des implications majeures pour les politiques de santé au travail. Effectivement, elle plaide pour une révision des normes et des pratiques en matière de santé au travail afin de mieux intégrer les spécificités des femmes. Cela inclut l’adaptation des outils et des équipements de travail, la reconnaissance des maladies professionnelles propres aux femmes et l’intégration de la santé reproductive dans les évaluations des risques.
De plus, Messing recommande aussi des formations spécifiques pour les professionnels de santé au travail. Grâce à ces formations, le but est de sensibiliser aux différences de genre afin de promouvoir des environnements de travail plus inclusifs. Selon elle, une approche véritablement égalitaire en matière de santé au travail ne peut être atteinte qu’en reconnaissant et en répondant aux besoins spécifiques des femmes.
5. Conclusion
En conclusion, les recherches de Karen Messing ont été essentielles. Elles mettent en lumière les lacunes des études traditionnelles de santé au travail en matière de genre. En insistant sur les différences biologiques et les inégalités sociales, elle a contribué à une meilleure compréhension des risques professionnels pour les femmes. Ses travaux poussent à reconnaître les besoins spécifiques des femmes pour assurer leur bien-être et leur sécurité au travail.
Bibliographie
Cass, C., et De Troyer, M., (2020) Conclusion. La santé des travailleuses : la science est-elle toujours « borgne » ? dans Genre, conditions de travail et santé. Qu’est-ce qui a changé ? (consulté le 4 septembre 2024) https://www.etui.org/sites/default/files/202009/Genre%2C%20conditions%20de%20travail%20et%20sante%CC%81-2020-web.pdf
Messing Karen, et al. Les souffrances invisibles : pour une science du travail à l’écoute des gens / Karen Messing ; traduit de l’anglais (Canada) par Marianne Champagne. Ecosociété, 2016.
Messing, Karen. Le deuxième corps : femmes au travail, de la honte à la solidarité / Karen Messing ; traduit de l’anglais (Canada) par Geneviève Boulanger. écosociété, 2021.
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